Les effets du changement climatique dans les Pyrénées.

Le réchauffement dépend de l’altitude : cela a été vérifié à l’échelle mondiale et régionale. Ainsi, il se produit plus rapidement en altitude où son impact sera alors plus fortement ressenti.

Un premier mécanisme à considérer est la capacité d’une surface à réfléchir la lumière, ce qu’on appelle l’albédo. Les surfaces blanches, comme la neige, réfléchissent davantage le rayonnement solaire que les surfaces sombres (et possèdent donc un albédo plus élevé). Par conséquent, le rayonnement réfléchi ne chauffera pas ces surfaces claires ou blanches.
En moyenne, les surfaces terrestres reflètent environ 30 % de la lumière du soleil, mais cette capacité est considérablement augmentée pour les montagnes couvertes de neige, avec par exemple un albédo de 70 % détecté dans les montagnes suisses observées dans cette étude. La neige fraîche peut refléter jusqu’à 87 % du rayonnement.
La fonte précoce du manteau neigeux et le retrait des glaciers laissent des terres rocheuses et stériles pendant de plus longues périodes. Ces terres stériles reflètent moins le rayonnement solaire que la neige blanche ou la glace. En conséquence, ces endroits se réchauffent et conservent également la chaleur plus longtemps. On entre alors dans une spirale négative qui amplifie encore l’effet du réchauffement, surtout dans les zones alpines.

D’autres phénomènes peuvent accélérer encore la fonte de la neige en montagne. En mars 2022, la France et d’autres pays européens ont connu des épisodes de nuages de poussière du Sahara, qui ont couvert la neige et la glace des zones de montagne d’une couche couleur sable, diminuant leur capacité de réflexion (albédo). La neige ainsi teintée absorbe davantage de chaleur et fond plus vite.

Le dernier mécanisme qui, selon la science, peut contribuer à la sensibilité accrue des montagnes au changement climatique est la modification de la couverture végétale en fonction de l’altitude.
Ces changements de couverture peuvent être associés à la migration des espèces végétales en plus haute altitude pour suivre les modifications de température, y compris le déplacement vers le haut de la limite de la zone arborée.
Ces changements influencent ensuite l’albédo de la surface, la répartition des flux d’énergie et entraînent donc des augmentations de température en fonction de l’altitude.

L’augmentation des températures moyennes mondiales a des conséquences sur le régime des précipitations et sur l’intensité des événements extrêmes. Ce changement climatique a des répercutions sur les écosystèmes de montagnes. Dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de +2°C au cours du 20e siècle, contre +1,4°C dans le reste de la France (source Météo France). Les effets de ce réchauffement varient fortement selon l’altitude. Le taux d’augmentation des températures durant le réchauffement planétaire du XXe siècle est supérieur à celui des transitions glacières / interglaciaires. Autrement dit, la Terre n’a jamais connu de changements climatiques aussi rapides que ceux d’aujourd’hui.

Les régions de montagne ont des caractéristiques qui rendent les effets du changement climatique particulièrement visibles et plus impactants. Elles constituent ainsi des sentinelles des changements en cours et à venir. A l’échelle des Pyrénées, cela se traduit notamment par des lacs qui s’assèchent, une sécheresse record pendant l’été 2022, plus d’incendies et plus tôt dans l’année, un enneigement très variable d’une année sur l’autre, un recul des glaciers, des dépérissements d’arbre plus intenses et plus étendus, des ruptures en alimentation en eau potable de certains territoires… Les régions de montagne sont ainsi concernées par de nombreux aléas naturels, qui exposent fortement les activités économiques qui s’y concentrent : mouvements de terrain, crues, incendies, tempêtes, avalanches…

Depuis son lancement en 2010 sous la présidence de la région Midi- Pyrénées, l’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique (OPCC) de la Communauté de Travail des Pyrénées (CTP) analyse la vulnérabilité au changement climatique de la région pyrénéenne au niveau social, économique et naturel, à travers des méthodologies coopératives transfrontalières. Les pictogrammes ci-dessous sont tirés du rapport de l’OPCC de 2018.

Evolution actuelle des températures dans les Pyrénées.

Une augmentation significative des températures maximales et minimales quotidiennes est attendue au fil du XXIe siècle, selon les trois scénarii émissifs analysés (RCP4.5, RCP6.0 et RCP8.5), durant toutes les saisons de l’année et dans toute la zone des Pyrénées. Cette augmentation serait plus rapide pour le scénario RCP8.5 (scénario à fortes émissions mondiales) compte tenu d’un scénario émissif plus intense. Pour l’horizon 2030, le changement de la valeur moyenne des températures maximales par rapport à la période de référence (1961-1990) pourrait se situer, en moyenne pour toute la zone des Pyrénées, entre 1 °C et 2,7 °C.

Cette augmentation des températures au cours des 50 dernières années (1949-2010) a été générale dans tout le massif des Pyrénées, avec de faibles différences entre le versant nord et le versant sud, et plus marquée durant la saison estivale (juin, juillet et août).
La tendance de l’indicateur d’augmentation des températures moyennes annuelles pour l’ensemble de la période analysée est positive et importante d’un point de vue statistique, sa valeur étant de l’ordre de 0,2 °C par décennie.
Une augmentation significative des températures maximales et minimales quotidiennes est attendue au fil du XXIe siècle, selon les trois scénarii émissifs analysés (RCP4.5, RCP6.0 et RCP8.5), durant toutes les saisons de l’année et dans toute la zone des Pyrénées. Cette augmentation serait plus rapide pour le scénario RCP8.5 (scénario à fortes émissions mondiales) compte tenu d’un scénario émissif plus intense. Pour l’horizon 2030, le changement de la valeur moyenne des températures maximales par rapport à la période de référence (1961-1990) pourrait se situer, en moyenne pour toute la zone des Pyrénées, entre 1 °C et 2,7 °C.

Evolution actuelle des précipitations dans les Pyrénées.

En ce qui concerne les précipitations, on observe une tendance à la baisse des volumes annuels, en raison surtout de la diminution des précipitations durant l’hiver et l’été. 

L’indicateur climatique pour les précipitations montre une tendance à la baisse des précipitations de l’ordre de 2,5 % par décennie au cours des 50 dernières années (selon les données recueillies au cours de la période 1949-2010).
La valeur de cette tendance présente une grande variabilité d’année en année, voire entre décennies. En général, au cours des dernières décennies, les années sèches ont prédominé, avec des quantités annuelles de précipitations bien inférieures à la moyenne de la période de référence, mais avec une intermittence
de certaines années très pluvieuses, avec des précipitations, quant à elles, supérieures à la moyenne de la période. En ce qui concerne les différences territoriales, la baisse des précipitations annuelles a été plus importante sur le versant sud que sur le versant nord
Les prédictions pour les Pyrénées montrent une baisse considérable des précipitations au cours du XXIe siècle, avec une baisse de la fréquence de jours de pluie, une augmentation de l’intensité́ des phénomènes plus extrêmes et une augmentation considérable de la durée des épisodes secs (Vicente Serrano et al., 2007).

Evolution actuelle du manteau neigeux dans les Pyrénées.

L’analyse de l’évolution du manteau neigeux au cours de la dernière moitié du siècle dernier est complexe, étant donné qu’il n’existe pas de série temporelle de données historiques suffisamment continue et solide.
Les premiers résultats du projet CLIMPY relatifs à l’évolution de l’épaisseur moyenne de la neige dans les Pyrénées indiquent une baisse significative de l’épaisseur de la neige malgré la forte variabilité interannuelle. Dans les Pyrénées centrales, à une altitude de 1 800 m, l’épaisseur moyenne de la neige pourrait diminuer de moitié d’ici 2050 selon la référence actuelle, tandis que la période de permanence de la neige au sol réduirait de plus d’un mois.

Le changement climatique comme facteur de modification de la biodiversité.

La biodiversité́ recouvre surtout les interactions entre les êtres vivants (consommation des végétaux par les herbivores, prédation, compétition, mutualisme et symbiose…) qui sont le moteur du fonctionnement des écosystèmes cultivés comme naturels. Au-delà̀ de l’émotion du public vis-à-vis des risques d’extinctions d’espèces emblématiques, ce sont les modifications apportées à ces interactions qui doivent donc retenir le plus d’attention.

Introduit dans les années 1980, le terme biodiversité́ recouvre la diversité́ du vivant à tous ses niveaux d’organisation: de l’ADN aux écosystèmes. On réduit souvent la biodiversité́ à un nombre d’espèces qui sont généralement les plus visibles : les végétaux et les vertébrés
Il existe cependant une biodiversité́ « invisible », qui concerne les microorganismes, notamment dans les sols (1g de sol comprend de 107 à 109 million de bactéries…) et les eaux (microalgues, zooplancton…). Alors que près de 2 millions d’espèces sont connues, les estimations du nombre réel dépassent pour la plupart la dizaine de millions. Mais la biodiversité́, notamment pour les services qu’en tirent les sociétés humaines, recouvre surtout les interactions entre les êtres vivants (consommation des végétaux par les herbivores, prédation, compétition, mutualisme et symbiose…) qui sont le moteur du fonctionnement des écosystèmes cultivés comme naturels. Au-delà̀ de l’émotion du public vis-à̀-vis des risques d’extinctions d’espèces emblématiques, ce sont les modifications apportées à ces interactions qui doivent donc retenir le plus d’attention.
On a déjà pu constater un déplacement vers les pôles ou vers des altitudes plus élevées (Parmesan et al., 2003) des animaux ou des plantes pour lesquels on dispose de suivis réguliers ou de campagnes d’observations répétées au cours du temps (insectes, végétaux, oiseaux, poissons…). La vitesse de ce déplacement est modulée par les capacités de migration propres à chaque espèce, et par diverses interactions avec les activités humaines, notamment la fragmentation des habitats qui tend à freiner la dispersion de nombreux organismes. Les insectes, directement sensibles à la température, et pour beaucoup d’entre eux, aptes à la dispersion, sont capables de suivre rapidement le déplacement de leur optimum climatique. En témoigne actuellement le déplacement de la processionnaire du Pin (Battisti et al., 2005). À l’opposé les peuplements arborés seront parmi les plus lents à suivre le déplacement de leur niche climatique, avec des risques marqués de déséquilibre végétation-climat pour des décennies ou des siècles.
Sont affectés en premier lieu les milieux de haute altitude et de haute latitude rendus accessibles à des espèces venant de milieux plus tempérés et dotées de fortes capacités de dispersion (voir encadré). Ils peuvent donc induire une augmentation du nombre d’espèces dans ces régions tout en s’accompagnant d’une banalisation de la biodiversité du fait de l’arrivée d’espèces généralistes de milieu tempéré qui entrent en compétition avec les espèces spécialistes de ces milieux à forte contrainte climatique. Inversement, des espèces à faible capacité de dispersion sont exposées à des risques accrus d’extinction locale, voire globale.

Impacts sur la flore.

Remontée des étages de végétation de plus de 300 m.

Modification du cycle de vie : avancement de l’apparition des bourgeons -> sensibilité aux gelées.

Disparition des espèces spécialisées remplacées par des espèces plus compétitives.

Les vagues de chaleur et des sécheresses prévues pour les prochaines décennies limitent la disponibilité de l’eau dans les sols, réduisant ainsi la productivité des forêts.

Des changements apparaissent au niveau des différentes étapes du cycle de vie des plantes, comme l’avancement de l’apparition des premiers bourgeons au printemps ou la plus grande durée de la période de croissance.
Le réchauffement climatique a des conséquences sur la phénologie des plantes, c’est-à-dire la vitesse à laquelle elles vont grandir, fleurir puis mûrir. Avec un déneigement de plus en plus précoce et des températures plus chaudes durant la période de végétation (l’été), le développement des plantes s’accélère, les prairies d’alpages poussent de plus en plus tôt.

A priori, cela pourrait améliorer les rendements agricoles. Mais ce diagnostic est à relativiser : la chaleur favorise la propagation des ravageurs et épizooties tandis que les risques accrus de gel précoces et de sécheresses estivales peuvent bloquer la croissance de la végétation ou la faire périr.

Activité agricole très présente en montagne, l’élevage – dont l’alimentation repose sur la récolte de fourrages pour l’hiver et le pâturage le reste de l’année – est affecté par le changement climatique. D’ores et déjà, on trouve moins d’herbe dans les alpages à certaines périodes, et de plus en plus de zones où les points d’eau se tarissent.

impacts sur la faune.

Les périodes de reproduction, de ponte, de migration et d’hibernation de nombreuses espèces sont modifiées. Les oiseaux migrateurs ont avancé leur date d’arrivée de 15 jours en moyenne depuis 1959 (cigognes, milans, devenues sédentaires).

Certaines espèces d’oiseaux de haute montagne, comme le Grand Tétras, sont en train de voir leur état physiologique altéré́.

Au fur et  à̀ mesure que les fleuves, les rivières et les ruisseaux deviennent plus chauds, les poissons d’eau chaude délogent les poissons d’eau plus froide de leur habitat. Le changement climatique a entrainé́ une redistribution généralisée de différentes espèces des eaux continentales vers des altitudes plus élevées.
Il est aussi en train d’affecter les communautés d’algues et, en général, la productivité́ des eaux à cause de la plus forte concentration en nutriments, des températures plus élevées et un plus grand nombre d’heures d’ensoleillement dans le cas des lacs de haute montagne. 

Les températures élevées affectent les animaux en altérant leur nutrition. Cela pourrait avoir une influence sur la performance économique de certaines exploitations d’élevage de moyenne montagne. 

Impact sur les écosystèmes.

Risque d’établissement d’espèces exotiques (ex. chenille processionnaires) grâce aux conditions climatiques favorables (hivers plus doux). L’épicéa, ravagé par le scolyte est d’ores et déjà considéré comme condamné par les forestiers.

L’augmentation des températures et la réduction des superficies inondée des tourbières pourraient accélérer le processus de décomposition de la tourbe, en augmentant, en conséquence, les émissions de CH4 et de CO2.

À cause des vagues de chaleur estivales des, on estime qu’il y a environ 20 % de pertes de fourrage par rapport  à̀ la moyenne des autres années. 

Les forêts menacées.

L’assèchement des sols liés à la hausse des températures fragilise les forêts sur les terrains à forte pente alors qu’elles assurent un rôle de protection contre l’érosion et les glissements de terrain. Les températures plus clémentes favorisent les parasites (vers, champignons, virus…) allant jusqu’à menacer d’extinction complète certaines essences.

Le sol devient peu profond  et instable ce qui entraine des glissements de terrain et une régénération difficile. Le manteau neigeux est instable sur les fortes pentes, il glisse doucement vers le bas (reptation) ou brutalement (avalanche). L’un ou l’autre des mouvements a une grande influence sur la morphologie des végétaux (déformation en crosse  et formes couchées ou brisées). 

Une grande partie des incendies qui ont lieu dans les Pyrénées est généralement causée par les activités en relation avec la gestion des pâturages. L’abandon des activités agro- pastorales, qui s’est principalement produit au cours du XXème siècle, a conduit à un embroussaillement des zones pastorales de moyenne et de haute montagne , augmentant ainsi la quantité et la continuité du combustible. Le facteur qui détermine le déclenchement et la propagation d’un feu est la teneur en eau du combustible. Ainsi, un accroissement de la température et une durée plus longue de la période de sécheresse estivale peuvent augmenter la disponibilité du combustible et le risque d’incendie, en augmentant par là-même la fréquence des années « à risque » (Moriondo et al., 2006).

Le Pourridié ou Armillaire (Armillaria mellea ou Armillaria obscura), entraîne une pourriture des racines et un dessèchement de l’appareil aérien par suite d’un trouble dans l’alimentation hydro-minérale. Cause d’un dépérissement brutal de l’arbre, le basidiomycète provoque une contamination centrifuge par extension de la maladie aux arbres voisins grâce au réseau mycélien souterrain.

impacts sur les secteurs sociaux – économiques.

« Les années sans neige » se produiront, à l’avenir, toutes les 2 à 3 saisons dans le scénario le plus favorable. Elles seront quasi-permanentes dans le scénario le plus noir.

L’allongement de la saison estivale et une tendance à des températures plus douces au printemps et en automne pourraient entraîner une augmentation du choix des destinations touristiques de montagne au détriment d’autres destinations moins agréables en raison des températures élevées. 

Le tourisme occupe une place centrale dans l’économie andorrane. Pour les stations de ski, le principal défi est de se transformer face à la réduction de l’enneigement. L’enjeu : sortir de l’hyper-dépendance au ski, de la spécialisation sur la station et de la période d’hiver, pour développer des territoires de vie attractifs à l’année. Chaque commune est appelée à élargir son offre touristique (activités de pleine nature, valorisation des patrimoines naturel et culturel, festivals…), à une échelle géographique plus grande, voire à réinterroger sa pertinence.

Certains acteurs invitent à « dépasser le mythe de la station qui sauve la montagne ». Ils défendent l’idée d’une montagne à vivre, tournée davantage vers l’accueil de nouveaux habitants, le développement de nouveaux services que vers la conquête de touristes. (impact des transports).

Penser l’avenir de la montagne appelle des réflexions plus globales sur l’avenir de ses métiers et les nouvelles compétences à acquérir.