La réponse de la végétation d’altitude aux contraintes du milieu.

Les conditions écologiques dans une chaîne de montagne dépendent à la fois :

  • des caractères généraux du climat de montagne, lies à l’altitude (augmentation de l’insolation, diminution des températures, accroissement des précipitations et de la couverture nivale) ;
  • du relief (pente, exposition, nature des roches) ;
  • de sa situation géographique (latitude, influences maritimes, pression anthropique).

A haute altitude, les plantes sont le plus souvent « pérennes » : elles survivent pendant plusieurs années. Chaque année, une plante annuelle doit germer, former des racines, des tiges, des feuilles et fleurs, qui doivent être fécondées et produire des graines durant une courte période de végétation, c’est une grande dépense d’énergie. A l’inverse, les plantes pérennes entrent en dormance l’hiver et gardent des réserves, dans les racines, bulbes, tubercules ou rhizomes. Chez quelques espèces les tiges et les feuilles restent vivantes, ce qui permet leur redémarrage rapide au printemps, sitôt le sol libéré de la neige. Ainsi, les plantes pérennes ont l’avantage de néo-former que quelques organes durant la période de végétation pendant laquelle les plantes annuelles doivent former la totalité de leurs organes, ce qui nécessite beaucoup d’énergie pendant un temps.

La classification de Raunkier (ou système de Raunkier) est une classification par type biologique proposée en 1904 et affinée les années suivantes par le botaniste danois Christen Raunkiær afin d’organiser tous les végétaux selon le positionnement des organes de survie (et donc de leur méristèmes de croissance) de la plante durant la période défavorable.

Les principaux facteurs écologiques sont :

En altitude, les plantes sont soumises à de fortes contraintes : luminosité et rayonnement UV intenses, grandes variations de température (gel / dégel), d’humidité, des effets du vents, des sols instables … Autant de paramètres qui varient au cours des saisons mais dont l’amplitude peut aussi fortement changer d’un jour à l’autre comme au cours de la journée.

La température décroit avec l’altitude.

La température, exprimée par sa moyenne annuelle, décroît régulièrement avec l’altitude, à raison de 0°55 environ pour 100 m d’élévation. Cette valeur est une moyenne entre de très nombreuses données, relatives aux régions les plus diverses, et qui sont comprises entre 0°53 et 0°57.

Il est remarquable que la loi soit pratiquement linéaire et que la valeur du gradient soit presque une constante universelle, en première approximation. 

Dans la situation réelle d’un relief irrégulièrement accidenté, les conditions locales de chaque station de mesure introduisent évidemment des distorsions par rapport à la loi théorique, mais les écarts dépassent rarement ± 1°C : gradient un peu plus faible sur les versants d’exposition nord ou sous couverture forestière, inversion de températures dans les vallées encaissées ou les dépressions comme les dolines karstiques, variations stationnelles dues au microrelief (Ozenda, 1985/1987: p. 11 et pp.)

 Le gradient thermique altitudinal a une conséquence biogéographique capitale : l’existence des étages de végétation.

On admet qu’un déplacement de 110 km vers les pôles correspond à 70 m de dénivelée positive en montagne. 

La succession des différents étages en fonction de l’altitude correspond à celle constatée lorsque l’on migre de l’équateur vers les pôles. 

Adaptation aux basses températures.

Les feuilles des plantes d’altitudes sont souvent plus petites, moins découpées, et surtout plus épaisses, plus dures, souvent vernissées, et contenant peu d’eau. Ainsi protégées, elles résistent mieux aux températures négatives et elles perdent moins d’eau par transpiration, et peuvent donc se maintenir avec un flux de sève réduit. Car la sève des espèces persistantes, en hiver, s’épaissit (et donc circule moins vite) et se concentre en minéraux (potassium notamment) et en sucres (issus de la photosynthèse). Ces substances dites « à effet osmotique » agissent comme un véritable antigel. Les bases températures de congélation sont également supportées grâce à la réduction d’eau dans les cellules pendant la phase hivernale (réduction des vacuoles) et par une baisse du métabolisme.

Les plantes savent s’adapter au froid, mais cette adaptation est progressive : les végétaux ne passent pas en « mode hiver » du jour au lendemain, il leur faut une période de transition entre l’été, période de croissance, et l’hiver, période de repos, pour que le métabolisme se mette à heure d’hiver ! Deux signaux principaux indiquent à la plante qu’il est temps de mettre en œuvre les stratégies antifroid : le raccourcissement de la durée des jours, associé à la baisse progressive des températures. Si brutalement, au mois de septembre, on exposait les plantes dites rustiques à des -10°C, elles mourraient, alors qu’elles supportent cette température en décembre. 

De même, au printemps, les végétaux repassent en mode été de façon progressive, sous l’influence de l’allongement de la durée des jours et la hausse des températures. C’est d’ailleurs pour cela que les gelées tardives sont si préjudiciables aux végétaux : il fait doux, le soleil brille, la plante lève son hivernage… et succombe au gel inopiné de début mai (les fameux Saints de Glace).

Le Silène acaule est un exemple de plante alpine en coussinet, qui résiste à de très basses températures, jusqu’à – 50 °. C’est une plante artico-alpine, rampante formant des coussins d’un vert vif entre les rochers. Les nombreuses feuilles coriaces, très petites, sont linéaires et pointues. Malgré son qualificatif d’acaule (= sans tige), ses fleurs, le plus souvent solitaires, sont portées par de courts pédoncules. Leur couleur varie du rose pâle au pourpre.

Silène acaule Silene acaulis, (L.) Jacq. – Caryophyllacées

Le port en coussin est un cas particulier de plantes de petite taille. La sphère étant la forme géométrique qui expose la plus petite surface pour un volume donné, les plantes en coussins perdent moins de chaleur et d’eau. Enfin, la forme en coussin réduit également la prise aux vents. Elle est d’ailleurs sélectionnée par l’évolution chez plus de 1 000 espèces de Montagne ou de zones arides réparties dans une cinquantaine de familles. Il s’agit de convergence adaptative : des plantes qui n’ont aucun lien de parenté, mais qui sont exposées à des conditions environnementales similaires, ont acquis ce caractère commun.

Le perce neige est une plante à bulbe de 15 à 20 cm de hauteur. Les fleurs, à six tépales, sont blanches, solitaires. Elle possède seulement deux feuilles vert glauque de 4 à 8 mm de large. Le fruit est ovoïde et allongé.

La floraison se déroule en janvier et février selon les régions (parfois début mars ou toute fin décembre selon les stations). Par bon ensoleillement, les trois pétales de la fleur s’écartent ; leur face intérieure sert alors de miroir et renvoie les rayons ultraviolets. Ceci attire les pollinisateurs. Le soir et par mauvais temps, la fleur se referme.

Le nom de genre Galanthus vient du grec galaktos, « lait », et anthos, « fleur », en référence aux fleurs blanches.

Perce neige Galanthus nivalis, L. Amaryllidacées

Ce sont les couches supérieures du sol qui s’échauffent le plus, sous l’effet du soleil, et qui inversement se refroidissent le plus la nuit ; ceci du moins pendant la période estivale, car l’hiver, 20 à 30 cm de neige suffisent à empêcher les fluctuations diurnes de la température de l’air de modifier celle du sol. Et en toute saison, celle-ci est à peu près constante au-dessous de 10 cm de profondeur. Les bulbes et les autres racines tubéreuses permettent à la plante de se réfugier sous terre, à l’abri du froid, dans un organe de réserve où elles stockent de l’énergie (sous forme d’amidon, par exemple), en conservant un (ou plusieurs) bourgeon ou germe qui ne demandera qu’à se développer à toute allure dès que les conditions redeviendront clémentes. Cette stratégie permet aux plantes de résister à des températures très basses : sous terre, même si le sol est gelé, les températures sont largement supérieures à celles de l’air. 

Les précipitations augmentent avec l’altitude.

L’abaissement de la température des vents ascendants (une falaise de 1000 mètres correspond à une chute de 5°C) rapproche le système air-vapeur d’eau de son point de rosée. Il pleut davantage sur les montagnes que sur leur avant-pays ; cet excédent est parfois appelé pluies orogéniques. 

A 2000 mètres, la neige représente 50 à 60 % des précipitations et l’hiver dure 6 mois. A 3000 mètres, 80 à 90 % des précipitations sont neigeuses et l’hiver dure plus de 10 mois, avec une température moyenne négative. En revanche, les précipitations augmentent jusqu’à une certaine altitude, variable selon les montagnes, et même selon les secteurs de la montagne dans les grandes chaînes, environ 2500 mètres.

Lorsque le vent rencontre une montagne plus ou moins perpendiculairement, il suit le relief et s’élève. La pression atmosphérique diminuant avec l’altitude, la température de l’air diminue, par détente adiabatique, d’abord selon le gradient adiabatique sec.

Si l’humidité est assez grande au départ, la vapeur d’eau contenue dans l’air va se condenser à partir du niveau où il atteint la saturation, ce qui réchauffe l’air. En effet, le rayonnement solaire, qui a fourni de la chaleur et permis de faire s’évaporer l’eau au niveau du sol, est restitué à l’air par la chaleur latente. Le taux de diminution de la température de la parcelle d’air se fera donc à partir de ce moment selon le gradient adiabatique humide plus lent, tant qu’il y aura de la vapeur à condenser.

Si l’air est stable au-dessus de la chaîne de montagne, la parcelle soulevée ne peut continuer sa montée une fois la cime passée et redescend l’autre versant. Il est alors sous le point de saturation car l’eau est tombée sous forme de pluie. Lorsqu’il descend, l’air se comprime (puisque la pression augmente vers le bas) et donc sa température augmente par compression adiabatique selon le taux adiabatique sec. Ce phénomène est particulièrement visible entre le versant ariégeois brumeux et pluvieux et les parties supérieures des vallées des Valiras (Ordino, Canillo).

Les précipitations annuelles à Canillo sont de 955 mm avec le mois de février le plus sec (60 mm) et le mois de mai le plus arrosé avec 112 mm. Elles augmentent à Soldeu (983 mm), alors qu’elles ne sont que de 955 mm à Andorre la Vielle, avec la même répartition saisonnière. La carte ci dessous met en evidence ce phénomène de pluie orographiques sur les parties supérieures des vallées du versant sud des Pyrénées.

Thèse B. DEVAU : la transition biogéographie de l’Alpin à l’Oroatlantique

La durée de l’enneigement augmente avec l’altitude.

L’altitude croissant, l’augmentation des précipitations et la diminution de la température agissent dans le même sens pour accroître la hauteur des chutes de neige. On appelle coefficient de nivosité la proportion des précipitations annuelles qui tombe sous forme solide. Il est de l’ordre de 20 à 25% vers 1000 mètres, de 50 à 60% vers 2000 mètres, de 80 à 90% vers 3000 mètres.

Cette neige couvre le sol pendant une durée qui croît elle aussi avec l’altitude, et ne permet la végétation que pendant la période déneigée. En revanche, elle représente une réserve d’eau mobilisée ensuite au cours de la période végétative, et une protection des végétaux contre le froid, le vent et la dessiccation.

Soldanelle Soldanella alpina, L. Primulacées

Dans les combes à neige les plantes doivent effectuer leur cycle de vie au plus vite.

La neige persiste très longtemps au sein de ces dépressions. Des plantes, comme la soldanelle, développent des bourgeons végétatifs et floraux sous la couche neigeuse, anticipant la fonte pour entamer directement leur développement. se sont des plantes dites à « activité clandestine», démarrant leur développement printanier sous la neige.

Au-dessus de la limite supérieure des arbres (vers 2 600 m dans les Pyrénées), la petite taille des plantes devient la règle. Au ras du sol, les températures sont moins froides en comparaison avec celles qui règnent un ou deux mètres plus hauts. La petite taille des plantes permet aussi leur protection par le manteau neigeux en hiver (sous le couvert neigeux, la température avoisine 0°C, tandis que celle de l’extérieur affiche des valeurs fortement négatives). Cette adaptation limite l’action mécanique de la neige et du vent qui ont tendance à casser les tiges et les branches et geler les bourgeons.

Sur les pentes, la neige a aussi un effet mécanique, non seulement par les avalanches, mais simplement par sa reptation qui entraîne des morphoses particulières chez les végétaux ligneux (tronc en crosse).  Les conifères, grâce à leurs aiguilles persistantes, opèrent la photosynthèse sur une plus large période que les feuillus qui perdent leurs feuilles à l’automne. L’hiver, l’eau à l’état de glace non absorbable par les racines, soumet les conifères à un stress de sécheresse physiologique. Grâce à leurs aiguilles à la surface réduite et dotées d’une couche de cire (cuticule), ils limitent les pertes en eau par évaporation. Les trachéides de leur bois, de petit diamètre mais aux parois épaisses, sont adaptées aux conditions climatiques extrêmes.

Tronc de pin à crochets en crosse

Adaptation à la sécheresse.

La teneur en vapeur d’eau de l’air diminue rapidement avec l’altitude : à 3 000 m, l’humidité absolue est en moyenne trois fois plus faible qu’au niveau de la mer. Le point de rosée étant tributaire de la température de l’air, en haute montagne, l’humidité relative peut passer d’une valeur forte (plus de 90 %), en fin de nuit lorsque l’air est froid, à une valeur très faible (moins de 20 %), en milieu de journée lorsque la température est plus élevée. de plus, certains sols ont une très faibles capacité de rétention de l’eau notamment les sols sur des fortes pentes sur des roches calcaires où l’eau ruisselle ou s’infiltre rapidement. Les plantes qui vivent sur ces milieux sont obligée de limiter leur perte d’eau.

L’adaptation des plantes à la sécheresse athmosphérique est liée à leur capacité de stocker de l’eau dans les feuilles, les tiges ou les racines.. Les feuilles peuvent être ainsi recouvertes de cire ou de poils, ou présenter une réduction de la surface. En raison du faible cumul de précipitations et de l’exposition très ensoleillée, les végétaux présentent des adaptations identiques aux plantes xérophytes poussant dans les milieux désertiques. Elles font des réserves en eau ou limitent les pertes par évapotranspiration au niveau de leurs feuilles et de leurs tiges. Les déperditions en eau sont limitées grâce à une cuticule imperméable recouvrant les cellules de l’épiderme des organes aériens. Cette couche externe cireuse réfléchit aussi la lumière limitant l’échauffement de la plante.

Certaines plantes ont des feuilles et des tiges charnues car elles stockent de l’eau dans leurs cellules afin d’en disposer durant les périodes sans précipitations. Ces végétaux dits «crassulescents» réalisent également une photosynthèse qui est inversée par rapport au processus classique. Les stomates s’ouvrent la nuit et se ferment le jour, limitant les pertes d’eau par transpiration.

La Joubarbe des toits a des feuilles imbriquées en rosette basale, charnues, coriacées qui peuvent résister à la sècheresse. Les feuilles, riches en eau, se terminent par des piquants rougeâtres ou brunâtres. Les racines fibreuses permettent à la plante de s’accrocher sur des surfaces aussi hostiles que des rochersJoubarbe (latin jovis, Jupiter et barba, barbe) signifie littéralement « barbe de Jupiter ». Cette dénomination est issue d’une ancienne croyance selon laquelle la plante éloignerait la foudre, attribut du dieu Jupiter. Les Joubarbes des toits sont donc des plantes « toujours vivantes » que l’on plantait  sur les toits pour éloigner la foudre.

Joubarde des toits. Sempervivum tectorum, L. Crassulacées

La Saxifrage intermédiaire se reconnaît facilement et d’emblée à ses inflorescences couleur rouge lie de vin. Les feuilles en rosette basale sont coriaces et contiennent des glandes qui leurs permettent d’excréter le carbonate de calcium. C’est une espèce caractéristique des rochers calcaires des Pyrénées centrales et orientales

Ces deux photos montrent une autre adaptation : elles ont des tiges florifères assez élevées pour que les fleurs ne soient pas grillées par la chaleur intense au niveau du sol. La coloration rougeâtre des tiges et des feuilles est due à la production de pigments comme les anthocyanes. Ils agissent tel un bouclier absorbant une partie des rayons UV. D’autres pigments (comme les caroténoïdes) vont agir lors de la photosynthèse en dissipant sous forme de chaleur l’excès d’énergie absorbée.

Les géophytes ou plantes à organes de réserve souterrains (bulbes ou rhizomes) sont abondantes dans ces milieux de hautes montagnes. Pour résister à la déshydratation lors de la saison aride, elles connaissent une période de repos où leurs parties aériennes disparaissent.

D’autres plantes sont capables de reviviscence. Elles peuvent perdre momentanément 90 % de leur teneur en eau pendant la période de sécheresse et se réhydrater ensuite lorsque la pluie revient. Le cétérach officinal , une fougère qui pousse sur les rocher, à l’aspect souvent desséché, est capable de se réhydrater.

Céterach officinal Asplenium ceterach, L. Aspléniacees

L’adaptation au rayonnement intense.

L’intensité du rayonnement, exprimée généralement en calories reçues par minute par une surface de 1 centimètre carré orientée perpendiculairement aux rayons solaires, augmente évidemment à mesure qu’on s’élève, du fait que ce rayonnement a traversé une épaisseur d’atmosphère plus faible qu’en plaine ; il tend vers une limite supérieure qui est de l’ordre de 2 cal./cmTM 2 / m i n – 1 . 

Tout comme une baisse de température, une très forte lumière entraine un excès d’énergie dans les feuilles qui peut endommager les photosystèmes. A cela s’ajoute un rayonnement ultraviolet (UVA et UVB) plus important en altitude, susceptible d’impacter directement les structures cellulaires : photosystèmes, mais aussi l’ADN dans le chloroplaste, la mitochondrie et le noyau.

Anémone de printemps Pulsatilla vernales (L.) Mill. Renonculacées

L‘anémone de printemps mesure de 5 à 15 centimètres. Les fleurs sont blanches à l’intérieur et mauves à l’extérieur et ont un diamètre de 3 à 4 centimètres. Elles sont couvertes de longs poils qui les protègent des températures extrêmes du printemps. Cet épais duvet de poils blancs les protège des rayons UV nocifs. Laréflexion de la lumière par ces poils empêche aussi un trop fort échauffement de la plante en plein soleil, atténuant les écarts thermiques entre le jour et la nuit. 

Ces anémones apparaissent dès la fonte des neiges. Comme toutes les plantes de la famille des renoncules elle est toxique.

La Paronyque de Kapel est une petite plante forme de petits coussins argentés dans les rochers et les rocailles bien exposés. Sa couleur est due à ses énormes bractées argentées dépassant largement la taille de la fleur. Cette grande taille est toutefois relative car chaque fleur ne dépasse pas la taille de 1 cm. Ces bractées servent de réflecteurs pour difracter les rayons UV. 

Paronyque de Kapel Paronychia kapela, A. Kern. Caryophyllacées
Gentiane des Alpes Gentiana alpina, Vill. Gentianacées

La Gentiane des Alpes est une plante vivace formant de petits tapis, le feuillage est lustré vert moyen, en rosette basale, au-dessus duquel jaillissent, sur de très courtes tiges, en mai-juin, de grandes fleurs dressées, en forme de trompette, d’un sublime bleu intense, ponctué de vert à l’intérieur de la corolle. Comme beaucoup d’autres fleurs d’altitude, cette Gentiane est une plante naine. Le nanisme est dû à l’action conjuguée de la luminosité et de la température. En effet, les rayons ultraviolets du soleil, intenses en haute montagne, ralentissent fortement la croissance verticale des plantes, même si leurs effets sur les tiges horizontales restent modérés. Par ailleurs, cette croissance, qui devrait avoir lieu de nuit, comme toutes les plantes, est fortement inhibées par les basses températures nocturnes

Les fleurs de la Gentiane acaule sont bleues, comme beaucoup de fleurs de montagne, et paraissent disproportionnées. Ces fleurs, qui consomment énormément d’énergie pour être produite par la plante, ont pour seule fonction d’attirer les insectes pollinisateurs. En effet, ces derniers perçoivent très bien la lumière bleue et ultraviolette. La « grande » taille des corolles de la Gentiane acaule accentue le pouvoir attractif de la fleur pour les insectes et augmente ainsi la probabilité de sa fécondation.

Adaptation aux effets du vent.

On estime que vers 2500 m la vitesse du vent est double de celle mesurée en plaine. En plus de son rôle dans l’érosion éolienne et sur la morphologie des végétaux (formes en drapeau, formes prostrées (Saules, Camarine noire, Genévrier), le vent est souvent le déclencheur des plaques à vent qui sont le point de départ d’avalanches. En hiver sous l’effet du vent, les particules de glaces brulent les bourgeons des plantes situées dans les zones déneigées.  L’effet du vent sur la  température est très important, en hiver, au niveau du sol, sur les zones déneigées la température ressentie est  plus basse de 15° par rapport  à celles dans des conditions sans vent.

Le saule herbacé est un arbre nain caractérisée par une très petite taille : il ne dépasse pas dix centimètres de hauteur.  Cette forme prostrée évite que leurs rameaux ne se brisent à cause du vent ou sous le poids de la neige. Cette forme couchée permet également aux végétaux de profiter de la protection thermique du manteau neigeux et de bénéficier de la chaleur emmagasinée par le sol et les pierres. 

Saule des Pyrénées Salix pyrenaica, Gouan Salicacées

Du point de vue faune, les secteurs très ventés sont colonisés principalement par des insectes brachyptères ou aptères.

La pente détermine une géomorphologie particulière, liée à la gravité : 


  • érosion et entraînement de matériaux : ruissellement des eaux et avalanches, écoulement glaciaire (actuel et ancien), mouvements de terrain, dépôts de matériaux 
remaniés qui jouent le rôle de roche-mère pour la plupart des sols ; 

  • modes spéciaux de pédogenèse, en raison du drainage, des glissements de sol ; 

  • l’importance particulière des facteurs topographiques (exposition, inversion de température, effet d’abri) et du microrelief.

L’altitude détermine ainsi des gradients de paramètres climatiques (pression, rayonnement, température, précipitations, nivosité) qui entraînent à leur tour : 

  • un tri écologique des êtres vivants, et notamment des végétaux ligneux, suivant 
leur physiologie ; 

  • des discontinuités dans la couverture vivante : en particulier du petit nombre d’espèces arborées, les autres 
introduites par la gestion humaine de l’espace montagnard ;
  • 
 l’existence d’étages de végétation, souvent matérialisés par des formations forestières superposées, et de limites comme la limite supérieure des arbres, 
des cultures, de l’habitat permanent ; 

    • un étagement de sols différent

Les plantes saxicoles (de saxi- rocher et -cole, qui habite) ont développé des stratégies pour aller chercher l’eau dans la profondeur des fissures, pour limiter l’évaporation ou pour résister à des froids intenses. De longues racines, des feuilles coriaces, parfois recouvertes de cire, présentant une cuticule protectrice, ou densément garnies d’un feutrage de poils, des tissus succulents gorgés d’eau, permettent de profiter de la moindre goutte d’eau et de diminuer l’évaporation. Certaines fougères sont douées de capacités de reviviscence : elles se déshydratent presque complètement, se recroquevillent sur elles-mêmes pendant la saison sèche, pour reverdir et s’épanouir aux premières pluies. De nombreuses plantes présentent une forme « en coussin ». Celle-ci constitue le type d’architecture presque exclusif qu’adoptent les végétaux sur les plus hauts sommets de nos Alpes comme les androsaces. Cette structure compacte, qui conduit à exposer le minimum de surface pour un volume donné, permet de tamponner les variations de température et d’humidité de la plante. De plus de nombreuses et très fines racines, développées à l’intérieur même du coussinet, puisent les particules minérales apportées par le vent et l’eau ou issues de la décomposition des anciennes feuilles. Ce coussin en quelque sorte « s’auto-alimente ».

   Les lithophytes, plantes qui vivent dans les éboulis, offrent des adaptations anatomiques et morphologiques essentiellement liées à leur vie dans des sols instables. Certaines espèces sont capables de supporter le mouvement (stratégie migratrice) tandis que d’autres luttent contre celui-ci (stratégie stabilisatrice) (Somson, 1984).

   Les lithophytes migrateurs par allongement possèdent un appareil végétatif souterrain très peu ramifié qui s’allonge annuellement en se développant dans le sens de la pente avec le mouvement des matériaux. La bérardie (Berardia lanuginosa), dont les larges feuilles sont plaquées contre le substrat et dont le pivot de fixation semble « remonter » dans les matériaux, en constitue un bel exemple. C’est aussi le cas du pavot alpin (Papaver alpinum) ou encore de l’oseille à deux styles (Oxyria digyna).

   Chez les lithophytes migrateurs par régénération, le déchaussement, la fragmentation des tiges et des rhizomes occasionnés par les remaniements du substrat, sont compensés par leurs capacités de régénération par multiplication végétative.

   Certaines espèces combinent ces deux stratégies. La benoîte rampante (Geum reptans) dispose d’un rhizome robuste (tige souterraine) qui assure l’ancrage et la progression de la plante dans l’éboulis. Elle utilise aussi la reproduction clonale par division du rhizome et production de stolons en surface.

   Les lithophytes indépendants comme la renoncule à feuilles de parnassie (Ranunculus parnassifolius) s’affranchissent des contraintes du mouvement. En cas de glissement, le pied entier est déterré, entraîné en aval, et s’enracine à nouveau (si les conditions le permettent). 

   La saxifrage à feuilles opposées (Saxifraga oppositifolia), lithophyte stabilisateur, possède un appareil végétatif aérien particulièrement compact qui contribue à retenir les particules fines quand, pour la valériane des montagnes (Valeriana montana), c’est le réseau souterrain très dense qui concourt à freiner les glissements.