Casamanya : la forêt claire de pins à crochets

Le départ du col d’Ordino

Cette forêt mésophile, propre à la chaîne pyrénéenne, se rencontre à l’étage subalpin, entre       1 700 m et 2 450 m sur les versants les moins exposés au soleil. La strate arborescente est dominée par le Pin à crochets, haut de 4 m à 20 m, accompagné selon les endroits du Sorbier des oiseleurs, du Bouleau pubescent, de quelques Sapins. La strate arbustive, peu dense, est constituée du Rhododendron, de Framboisiers. Comme la couverture arborée est peu dense, la strate herbacée comprend de nombreuses espèces de lumière. Elle correspond à la série subalpine mésophile du Pin à crochets.

Cette forêt présente une grande diversité de structure, on trouve au départ du col d’Ordino une zone de clairière où des espèces héliophiles subsistent, avec des zones de régénération et, plus haut ,des zones plus denses où prospère le Rhododendron et les Myrtilles sur des sols plus épais. 

Les forêts de pins à crochets présentent une très grande diversité, elles se rencontrent :

  • dès l’étage montagnard : le Pin à crochets étant alors en mélange avec le Pin sylvestre ;
  • à l’étage subalpin : le Pin à crochets est généralement seul, mais le Pin sylvestre peut encore s’observer à l’état sporadique. Il peut y avoir des croisements entre ces deux espèces ;
  • sur substrats siliceux ;
  • sur substrats gypseux ou calcaires ;
  • et parfois des arbres seuls dans des tourbières.

Cette forêt de pin à crochets, située sur un versant pendu en exposition est dite : xéroclines à mésoclines. Elle est accompagnées d’ un sous-bois arbustif dans lequel Rhododendron ferrugineum est rare.

Le Pin à crochets a fait l’objet de longues controverses pour sa détermination : Pinus mugho, Pinus nigra. Reconnu comme une espèce à part entière par certains auteurs, il est cependant vu comme une sous-espèce du pin de montagne (Pinus mugo subsp. Uncinata) par d’autres.

Cône femelle. On distingue les petits crochets sur les écailles
Cône mâle à la terminaison des branches.

C’est l’arbre dominant de l’étage subalpin des Pyrénées ; dans les Alpes, la présence du Mélèze, du Pin Cembro, ou de l’Aulne vert permet des formations arborées plus diversifiées. Ce pin, des régions montagneuses centrales européennes, croît de 1 500 à 2 700 mètres. En France, on le trouve essentiellement dans les Pyrénées-Orientales, où se concentre la moitié de sa surface de distribution.

Il y a plus de Sapins dans les jeunes peuplements de pins à crochets en régénérations qu’au milieu des arbres adultes. Les sapins préfèrent les sols profonds car il ont des racines pivotantes, c’est pourquoi il est rare dans cette forêt. Ils sont reconnaissables au mode de fixation des aiguilles de part et d’autre des rameaux ainsi qu’à leurs cônes dressés qui se désagrègent à maturité.

Sapin pectiné. Abies alba, Miller – Pinacées
Sorbier des oiseaux. Sorbus aucuparia, L. – Rosacées

On peut remarquer quelque pieds de Sorbier des oiseleurs reconnaissables à ses bouquets de fruits rouges qui attirent les oiseaux. Sa présence traduit une situation assez fraiche. Ses fruits ou sorbes renferment du sucre, de l’acide malique et de l’acide sorbique. Ils peuvent être consommés une fois cuits sous forme de confiture, compote ou gelée. L’industrie en tire un édulcorant : le sorbitol.

Le Bouleau verruqueux est un arbre à feuilles caduques pouvant atteindre 25 mètres de hauteur, originaire d’Europe et d’Asie. . L’écorce est marquée de lenticelles beiges et horizontales.

Il s’agit d’un arbre très rustique et qui a besoin de lumière. Il aime les sols secs à frais. C’est une essence pionnière, colonisatrice et très adaptable.

Sur certains versants les bouleaux constituent une formation végétale particulière : la ceinture altimontaine à bouleau et sorbier.

Bouleau verruqueux. Betula pendula, Roth. Betulacées

Parmi les espèces herbacées on trouve particulièrement des plantes héliophiles qui vivent dans des milieux ouverts. Leur présence dans cette forêt, dans les zones les moins denses traduit la jeunesse de ce peuplement.

Aconit tue-loup. Aconitum lycotonum ssp. vulparia (Reichb.) Nymann Renonculacées

L’Aconit tue loup, Tora blanca, est connue pour l’activité neurotoxique de ses alcaloïdes, comme les autres espèces du genre Aconitum. On l’a utilisée depuis l’Antiquité pour empoisonner les flèches ou pour éliminer les animaux sauvages dont on voulait se protéger d’où le nom vernaculaire. Cette grande plante vivace glabre à feuilles palmées très découpées, fleurit en été jusqu’à 2 400 mètres d’altitude, dans les lieux rocheux, les prairies ou à l’orée des bois. On rencontre fréquemment l’aconit tue-loup auprès de l’aconit napel, dont il se différencie par sa taille plus élevée et ses longues grappes de fleurs jaune pâle, dont le casque est plus étroit et plus allongé.

La Digitale jaune, Diladera de Sant Jeroni, haute de 50 à 120 cm, à des fleurs jaunâtres, en grappes serrées pendantes. C’est une plante des clairières qui contient de la digitaline, molécule qui a des propriétés thérapeutiques dans les maladies cardiaques. Ces plantes peuvent être très toxiques. L’absorption d’environ une dizaine de feuilles provoque des troubles graves sur un sujet humain de corpulence moyenne.

Digital jaune. Digitalis lutea L.
Plantaginacées ex Scophulariacées
Laurier de saint Antoine. Epilobium angustifolium L.
Onagracées

L’Epilobe à feuilles étroites, Laurier de Saint Antoine, a tendance à coloniser rapidement les zones ouvertes et humides où il y a peu de concurrence, tels que les sites incendiés ou les clairières des forêts. Elle pousse aussi longtemps que l’espace est ouvert et qu’elle dispose de beaucoup de lumière, puis quand les arbres et les broussailles grandissent, les épilobes meurent, mais les graines restent viables dans le sol pendant de nombreuses années. L’épilobe est la francisation d’Epilobium, du grec epi, sur, et lobion, petite cosse. En effet, les sépales et pétales ont la forme d’une petite gousse. Les feuilles effilées de cette espèce ressemblent, avec un peu d’imagination, à celles du laurier, Laurus nobilis. L’épithète du nom scientifique dérive du latin angustus, « étroit » et  folium, « feuille  »

Pourquoi la foret parait dépérir ?

On remarque, en parcourant le sentier de nombreux arbres morts ou avec les troncs déformés. Cette forêt est située sur des terrains carbonatés avec des pentes assez fortes, les sols sont peu profonds, sans humus, et ne retiennent pas l’eau. Les racines des pins sont superficielles ce qui amplifie la sécheresse édaphique, leur productivité est donc très faible d’environ 1m3 / an / ha.  

Tronc déformé par la neige

Le manteau neigeux, est instable sur les fortes pentes de cette forêt, il glisse doucement vers le bas ce qui déforme les jeunes pousses des arbres qui présentent des troncs en crosse. Ce n’est donc pas le passage des randonneurs qui est à l’origine de ces déformations.

Tout comme les avalanches, les phénomènes de glissement et de reptation de la neige se produisent à partir d’environ 30 degrés de pente.  Des glissements répétés chaque hiver sont à l’origine du type de croissance typique en forme de crosse. Cette courbure au pied du tronc est une réaction des arbres à la pression oblique exercée chaque année par la neige.

Comme les arbres sont en situation de stress ils sont plus sensibles aux attaques de l’Armillaire. Le Pourridié ou Armillaire (Armillaria mellea ou Armillaria obscura), entraîne une pourriture des racines et un dessèchement de l’appareil aérien par suite d’un trouble dans l’alimentation hydro- minérale. Cause d’un dépérissement brutal de l’arbre, ce champignon provoque une contamination centrifuge par extension de la maladie aux arbres voisins grâce à son réseau mycélien souterrain. Les insectes Scolytidés participent également dans les processus de dépérissement.

Arbre attaqué par l’Armillaire